dimanche 5 juin 2011

WebTV et relations publiques

Analyse d’une innovation technologique du point de vue d’un professionnel des relations publiques : La Web TV

L’une des définitions que l’on donne aux relations publiques, c’est qu’elles consistent en «la gestion des relations entre une organisation et ses divers publics par l’entremise de la communication, afin d’atteindre une compréhension mutuelle, de réaliser les objectifs organisationnels et de servir l’intérêt public» (SCRQ. 2011). Comme on le constate, la communication, sous toutes ses formes, est un principe fondamental en relations publiques. Pour le relationniste, la WebTV ou Webtélé s’inscrit dans les stratégies de relations avec les médias. Mais quelle place occupe-t-elle au sein des autres médias ? Quelle importance par rapport à la télévision traditionnelle ? C’est sur ces questions que porte notre analyse.

Les relations publiques utilisent plusieurs modes de communications : la communication orale (discours, interviews), la communication écrite (communiqués, journaux), la communication audiovisuelle (radio, télévision), la communication audio scriptovisuelle (Internet, multimédia).
Les relations publiques sont basées sur les relations de presse qui permettent aux professionnels de relayer auprès de l’opinion publique ou d'un public cible leurs opérations.
Relations publiques et Webtélé. La Webtélé ou encore, télévision sur internet, est l’une des innovations technologiques apparues seulement il y a quelques décennies avec l’avènement du Web 2.0. Elle permet de regarder la télévision via Internet. Elle peut servir comme un outil d’information, mais aussi comme outil de promotion. C’est dans ce sens qu’elle intéresse le relationniste à plusieurs égards. Grâce au système de «Video on demand» (VoD) vidéo à la demande, les internautes peuvent télécharger des événements filmés et mis en ligne. Les relations publiques ont de tout temps été présentes les médias, comme l'indique ce conseil de professionnels :
«A message-bearing video can be used in several ways. Special video or newsletters might be shown on monitors in employee cafeteria and break rooms. Or, though this is more expensive, a video containing a particularly important message might be mailed to employees' homes or individually distributed at work. New video production technology makes downloading video onto websites fairly easy.» (Guth, David. W., Marsh, Charles. 2000 :.278).
D’abord une question de mode ? L’histoire des relations publiques montre que celles-ci ont évolué sur le plan de leur conceptualisation, mais surtout sur le plan des moyens utilisés par les professionnels. Entre le 19e siècle et le 21e siècle, les technologies de communication ont évolué également.
Les relations de presse ont été présentes dans la radio, la télévision, la presse écrite. Chacun de ces canaux audio, audiovisuel et scriptovisuel exerce une influence particulière sur des publics cibles bien déterminés. De nos jours, avec les TIC, il est possible de faire autrement, et même plus, grâce au numérique. Télévision et Internet ont convergé pour donner naissance à la WebTV.
En tant que canal audiovisuel, la WebTV s’inscrit dans une logique télévisuelle, mais a l’avantage de réussir à intégrer à la fois la technologie traditionnelle et la technologie moderne. Ce qui est reconnu à la télévision traditionnelle se rapporte en conséquence à la WebTV. Comme «nouvelle technologie», la WebTV n’exercerait-elle la même fascination que la télévision traditionnelle qui l’a devancée il y a un peu plus d’un demi-siècle ?
Si, jadis il fallait rejoindre le public là où il se trouve, aujourd'hui, par la WebTV, le relationniste rejoint le public à travers les moyens propres à ce public. Mais où se trouve le public, pour un relationniste ? Nous reviendrons sur cette question plus loin.
En somme, disons qu’à chaque public donné, doit correspondre un média. En relations publiques, on distingue plusieurs types de publics reconnus sous diverses dénominations : il y a, par exemple un public dit interne, externe, local, régional ou international ; un public primaire, secondaire ou marginal ; un public de sympathisants ou d'opposants, etc. Quelle est l'importance d’une Web télédiffusion pour chaque groupe ? En ce qui concerne le public interne, c’est-à-dire les employés et responsables d’une entreprise, l’usage d’une WebTV permet aux uns de voir en image les réalisations, les avancées faites par l’entreprise. Elle permet aux autres d’être en contact virtuel avec l’ensemble des acteurs. Les employés, en l’occurrence, lorsqu’ils sont en activité, n’ont pas le temps ni le loisir de suivre ce que les autres font dans un secteur différent des leurs, alors qu’ils ont besoin d’être mis au courant des événements qui se déroulent à l’interne comme à l’externe touchant leur entreprise. Healt et Coombs (2006 : 326) l’affirment à travers ces lignes :
«The web allows for sound clips. The web allows for a virtual reality. You can install a camera in the boardroom of your activist organization and allow user to hear annual discussion of activist priorities. You can place a camera at the construction site and allow employee to see the progress. You can have a camera at various global locations in your multinational corporation and have people in those countries tell about themselves and their customs».
Quant aux publics externes, comme l’ont dit Healt et Coombs, la WebTV constitue un excellent canal de communication qui leur permet, d’une part, d’être informés à tout moment et d’autre part de suivre pas à pas la situation d’une organisation. Dans ce cas, l’avantage de la télédiffusion pour une entreprise, c’est de pouvoir mieux contrôler son image, puisque la production est faite à l’interne. Elle échappe ainsi au contrôle des journalistes. Elle supplée à la formule courante qui consistait à remettre aux gens des médias des contenus audiovisuels sur des supports CD, DVD.
La WebTV, un outil indispensable. Plus qu’une question de mode, la télévision sur Internet est une nécessité et un passage obligé pour tout relationniste qui entend promouvoir l’image d’une organisation, d’une personnalité ou tout simplement promouvoir une cause. Nouvelle technologie de communication, elle répond aux aspirations et usages de la nouvelle génération. Il est vrai qu’en relations publiques il faut faire un choix judicieux du «bon média» par rapport à son public, mais de nos jours il y a des outils qui sont incontournables. Il est d’ailleurs impressionnant de constater comment le règne des ordinateurs s’établit progressivement dans le quotidien des gens. Il n’y a pas de doute, l’ordinateur est en train de faire la concurrence aux postes de télévision dans les salons, à cause des potentialités qu’il offre. Et il faudra en tenir compte dans les stratégies de communication en relations publiques.
Pour Pierre Bellanger (2003 : 29), «La première raison d’achat d’un micro-ordinateur est aujourd’hui l’accès à l’Internet. Le PC n’est plus une machine à calculer, mais une machine à communiquer. C’est le PC qui est notre premier investissement de télécommunications et celui qui capitalise le plus de notre temps et de notre apprentissage. C’est lui le dépositaire de notre travail numérique et de nos échanges sur le réseau. En 2002, 70 % des foyers américains possèdent un PC et 37 % des foyers français.»
Quelques statistiques en ce qui concerne le Canada dans la même période (voir aussi fig. 1). L’utilisation de l’ordinateur a augmenté de façon constante, passant de 16,3 % des ménages en 1990, aux deux tiers (66,8 %) en 2003. Le taux de pénétration d’Internet au Canada en 2003 atteignait 55 % (Veenhof, Ben, Yvan Clermont et George Sciadas. 2003).

Fig.1 Accès à l’ordinateur et à Internet, Canada, provinces et territoires, 2003.


Quelques avantages de la WebTV pour les relations publiques.
Du point de vue du personnel. Si la télévision traditionnelle mobilise de grands moyens financiers, matériels et humains, la WebTV, elle, se distingue par sa simplicité logistique. En effet, la gestion d’une WebTV ne demande pas une panoplie de réalisateurs, producteurs, prompteurs, etc. Selon leur taille, certaines organisations n’ont besoin que d’un webmestre, et d’un caméraman pour produire une capsule et la diffuser. D’autres en prendront peut-être davantage, mais toujours en deçà de ce que coûterait une production ordinaire d’émissions sur une chaîne traditionnelle.
Une accessibilité facile et permanente. Pour accéder à la WebTV il faut seulement une connexion Internet et un ordinateur muni de logiciels de lecture comme Adobe Flash-Player, Real-Player, QuickTime, Media Player, Linux MCE. Ces dispositifs permettent à l'utilisateur de télécharger et de gérer les vidéos à sa guise. Sur Internet, des émissions télévisuelles peuvent être diffusées du début à la fin sans interruption, tandis que les chaînes traditionnelles ont des contraintes éditoriales et de temps. Dans le même sens, tandis que le téléspectateur était obligé d’être devant son poste à une heure précise parce que l’émission qu’il attendait ne passait qu’à ce moment précis, l’internaute, quant à lui, n’est plus tenu de régler son chrono sur celui de son ordinateur.
Une technologie moins coûteuse. En matière de coût, la diffusion est gratuite sur Internet, pourvu que l’on dispose d’un site Web ; ce qui n’est pas le cas pour les canaux traditionnels où il faut payer proportionnellement à la durée et au nombre de publications.
ECDQ.tv, un exemple de WebTV au service des relations publiques
ECDQ.tv est un nouvel outil de communication pastorale propre à l’Église catholique de Québec. Il s’agit d’un portail média conçu et lancé en 2008, alimenté par une équipe de cinq personnes dont trois permanents. Son lien est : < http://www.ecdq.tv/fr/>.

Ce nouveau portail internet permet de retransmettre en direct ou en différé des émissions télé sur divers événements d’Église tels que les reportages, les conférences de presse, les documentaires, les témoignages. Il diffuse en outre certains événements au plan local et régional : «Montée-ado», «Montée-jeunesse», «Journées mondiales de la jeunesse».
Le vidéo ci-dessous est un exemple d'événement média qui a été web-diffusé en direct il y a plus de deux mois et qu'on peut encore retrouver sur le site ECDQ.tv
 
 

L’une des étapes caractéristiques d’une activité de relation de presse, c’est l’évaluation[1]. Sur la WebTV, le relationniste dispose de mesures d’évaluation plus performantes, directes et simultanées. Avec la WebTV, il n’est plus question de procéder par des sondages non seulement fastidieux, mais surtout coûteux. Il est plus facile d’évaluer sa campagne de communication Webtélé en consultant les statistiques des visites sur le site pour voir le nombre de visiteurs.
On peut y suivre les diffusions par heure, par jour, par mois (fig. 4), pour chaque vidéo, ou encore avec des critères comme le pays d’origine du visiteur (fig. 2), son adresse, le nombre de fichiers regardés. Par ailleurs, on le sait, les relationnistes sont avides de feedback, car ils doivent constamment ajuster leurs messages pour susciter au mieux la sympathie des gens. Cet ajustement est possible grâce aux messages qu’ils reçoivent en retour de la part des téléspectateurs via Internet.

Fig. 2: Exemple de statistique des visites par pays sur un site.
Fig. 3 : Taux de présence par pays sur le site
     
Fig. 4 : Répartition du flux des visites d'un site sur un mois.


Un autre élément qui mérite d’être pris en compte en ce qui concerne la Web télédiffusion, c’est la convivialité avec l’ordinateur ; l’exemple du portail ECDQ.tv est bien illustratif. 91.2 % des personnes interrogées le suivent individuellement, contre 8.8 % qui le regardent en groupe familial, ou communautaire[2]. Comme en témoignent ces chiffres, il est plus aisé de se retrouver avec son ordinateur que d’être devant son poste téléviseur, parce que l’ordinateur offre un espace de proximité, voire de connivence.
Fig. 5 : Convivialité et connivence avec le PC
Le sentiment de convivialité est davantage accru quand il s’agit d’un ordinateur portable (fig. 5). Plus proche, plus confortable ; c’est le «brain off», selon les mots de Pierre Bellanger (2003) qui explique par ailleurs que «le fait d’avoir constamment la main sur une souris, d’être en position permanente de cliqueur, donne à l’internaute une posture particulière qui le met beaucoup plus près du joueur [lors d’un match] que du téléspectateur[3]». Or il se trouve que les communications de relations publiques visent justement cette forme de mise en confiance du public cible. Par la diffusion d'images, d'actions et d'événements de son organisme sur le Net, le relationniste cherche à créer ou à maintenir une adhésion des «Web téléspectateurs» aux valeurs et aux objectifs de son organisme.

Si Internet est considéré comme un excellent cadre interactif, alors la télévision sur Internet serait un lieu idéal pour une communication mutuelle où l’internaute peut ajouter ses commentaires. À l’instar des pages Web qu’il faut continuellement mettre à jour, le contenu de la WebTV ne doit pas être statique. Tout comme une émission de télévision peut devenir ennuyeuse à force d’être revue, la diffusion continuelle sur le net pourrait dérouter les «Web téléspectateurs» ; d’où l’exigence d’une veille permanente sur la Toile pour renouveler les vidéos.
De la télévision traditionnelle qui est un média de masse, statique, à la WebTV, média individuel et interactif, Victor Sandoval (1995 : 103) nous livre un point de vue pertinent :

«L’humanité apprend à mieux se connaître elle-même grâce à des médias comme la télévision, mais plutôt que de participer à cette connaissance de manière active, elle la subit en recevant un déluge d’images qu’elle ne sait pas contrôler, discuter, contester ou analyser de prime abord. Avec l’interactivité il se pourrait que la télévision subisse un changement radical : au lieu de se contenter de recevoir, de capter les images (d’autres continents, pays et capitales), on pourrait aussi en envoyer et participer, un peu à la manière des radios-amateurs. De miroir, la télévision pourrait alors devenir un outil précieux de convivialité, de communication, d’ententes, d’échanges, en un mot, d’humanité.»


 Notes :
[1] Selon la méthode classique appelée RACE : Recherche, Action, Communication, Évaluation.
[2] Sondage réalisé le 18 mai 2011 par l’équipe ECDQ.tv
[3] Entretien recueilli par Dominique Roux. 2006. TV et Vidéo sur Internet. Paris : Economica, p.77 
 
Bibliographie
 

 Bellanger, Pierre. 2003. La convergence, c’est Le code. En ligne le 20 janvier 2003 <http://www.skyrock.fm/bellanger>. consulté le 3 juin 2011.

 Dominique Roux.2006. TV et Vidéo sur Internet. Paris : Economica, 152 p.


Guth, David W., Charles Marsh. 2000. «Communication : the tactics of Public Relations». In Public relations : a values-driven approach. Boston-Montréal : Pearson-Allyn and Bakon, pp. 268-300.


Robert L. Heath, W. Timothy Coombs. 2006. Today's public relations : an introduction. Thousand Oaks, Calif. : SAGE Publications, 539 p.


Sandoval, Vitor. 1995. La télévision interactive. Paris : Hermes. 108 p.


Société canadienne des relations publiques (SCRP). En ligne le 14 septembre 2009. <http://scrp.ca/uploads/Definitiondesrelationspubliques.pdf>. Consulté le 25 mai 2011.


Veenhof, Ben. Yvan Clermont et George Sciadas. «Littératie et technologies numériques : liens et résultats». En ligne le 31 août 2009 <http://www.statcan.gc.ca/pub/56f0004m/2005012/ch2-fra.htm>. Consulté le 3 juin 2011.

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