dimanche 12 juin 2011

«Produisons journalisme, consommons journalisme !»

Avez-vous souvenir d'un événement où les citoyens sont devenus journalistes? Ou encore, vous êtes-vous déjà dit (en parodiant Renaud) « Putain, où c'est que j'ai mis mon cellulaire? » ratant ainsi une photo qui vous aurait valu une publication dans un journal, qui sait qui aurait pu faire le tour de la Terre?

Pour ma part, elles sont nombreuses les occasions qui me sont passées sous le nez, où je me suis senti pris au dépourvu.
J’aurai aimé avoir un appareil photo pour immortaliser un fait insolite et dont les images me reviennent encore à l’esprit. Tenez ! Avez-vous déjà vu un chat  téter les mamelles d’une chienne ? Je parie que vous n’êtes pas nombreux à avoir ce privilège, car ça en est un. Ce jour-là un mythe s’est brisé à mes yeux : je me suis mis à l’évidence que l’expression «être comme chien et chat» n’était plus synonyme de rivalité ni d’inimitié, mais plutôt de solidarité, et de convivialité.
Hors-mis ces faits insolites, plusieurs autres fois, il m’est arrivé de regretter de n’avoir pas un appareil pour enregistrer un discours, une conversation, de n’avoir pas pris un calepin ou même un simple stylo pour noter des paroles qui pourraient servir de fait divers. Ailleurs encore, un téléphone portable m’aurait permis d’appeler un journaliste qui pourrait être intéressé par un événement auquel je prenais part. Mais, de téléphone, il n’y en avait point. À l’époque, c’est dans les années 1990, des occasions de contribuer à un journal m’ont échappé, à défaut d’avoir été moi-même journaliste citoyen.
En fait les technologies de l’information et de la communication étaient peu disponibles. Tandis qu’aujourd’hui les moyens et techniques pour immortaliser des souvenirs inondent le marché : caméras, cellulaires, UBS-recorders, etc., qui permettent d’alimenter les réseaux sociaux en information, en images et en son. Cela a donné naissance au journalisme dit «amateur[1]». Les catastrophes naturelles et les révolutions sociales sont des occasions fréquentes où n'importe qui peut réaliser des scoops. Ces pratiques profitent d’ailleurs aux professionnels de l’information. Certains journalistes présentateurs à la télévision n’hésitent pas à inclure des vidéos amateurs dans leur journal – et ils le disent bien. En effet, si autrefois, l'information était une chasse gardée des professionnels que sont les journalistes, aujourd'hui, le public dispose davantage d'outils pour jouer le rôle de journaliste ou de relayeur. Mais, sur cette question, les avis sont tout de même partagés.
Tandis que certains auteurs critiquent sévèrement le journalisme citoyen, taxé d’anarchisme, d’autres, comme Michel Dumais (2003. En ligne) l’encensent : «Ce journalisme citoyen, de nature fondamentalement engagé, peut servir de contrepoids aux dérives qui, quelquefois, affligent l'industrie des communications.»
Entre les deux positions, Peter Dahlgren invite au discernement. En effet, selon ce chercheur suédois, «dans le cyberespace, les frontières entourant ce qui mérite l’étiquette de journalisme sont rendues de plus en plus floues par l’abondance d’informations facilement accessibles et néanmoins pertinentes qui sont offertes» (1999 : 78). Quelles qu’en soient les tendances, pro ou anti journalisme amateur, l’étape à laquelle nous ont propulsés les technologies de l’information suscite beaucoup d’interrogations dont celles-ci : ne sommes-nous pas à l’ère d'une «autosuffisance journalistique» où tout le monde produit et consomme du journalisme ? Ou alors faut-il croire, avec Zizi Papacharissi et n’en déplaise à McLuhan, que désormais à ce rythme «the cityzen is the message»[2] ? Enfin, s'il est traditionnellement reconnu aux médias un pouvoir de fixer un ordre du jour, l'«agenda setting» à l'opinion publique, il faut aussi reconnaître que le citoyen moderne, celui du «village planétaire», ne voudra plus rester à l'ombre de cet agenda. Il tient à y participer.

Il semble que la supposée inimitié entre le chien et le chat relève d'une croyance populaire moyenâgeuse. Pourtant bien de scènes montrent une cohabitation difficile entre ces deux espèces domestiques. (Voir vidéo ci-dessous)



Notes :
[1] Il existe une kyrielle de sites Web voués à ce genre de métier. Vous pouvez consulter notamment : AgoraVox, le média citoyen. URL <http://www.agoravox.fr/>
[2] Titre du chapitre 2 de son ouvrage en 2009. Journalism and citizenship : new agendas in communication. New York : Routledge, 213 p.

Bibliographie
Dahlgren, Peter. 2003. Cyberespace et logique médiatique : repositionner le journalisme et le public. In Vers une citoyenneté simulée : médias, réseaux et mondialisation. (Sous la direction de Serge Proulx. André Vitalis). Rennes : Editions Apogée, 268 p.
Dumais, Michel.2003. «Technologie : À propos du journalisme citoyen». Le Devoir. En ligne. <http://www.ledevoir.com/societe/science-et-technologie/33661/technologie-a-propos-du-journalisme-citoyen>. Consulté le 9 juin 2011.
 

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